L’hybridité, un regard transdisciplinaire sur la société et les productions scientifiques : exercice d’une nouvelle territorialité d’un Non-Territoire
Prologue
Le présent volume, parution inaugurale de la Revue Hybrides, composé de 21 contributions transdisciplinaires, a pour objectif la mise en rapport de la société et des productions scientifiques dans toutes leurs expressions (pratiques discursives, sociologiques, anthropologiques, culturelles, artistiques, économiques, pédagogiques, didactiques, symboliques, politiques, etc.). Sous ce prisme, les travaux qui se veulent actionnels tentent d’apporter une réponse technique à une ou plusieurs situations scientifiques concrètes. En effet, toute société viable, pérenne, prospère et épanouie prend pour point d’ancrage les scientifiques de tous les domaines de la connaissance : « La société, tout comme la République, a besoin des savants. Sans eux, point de progrès économique et culturel, point d’amélioration du niveau de vie, point de victoires sur la maladie » (Jollivet, 2007, pp. 417-418). Aussi, qu’ils relèvent des sciences humaines et sociales ou des sciences exactes, les scientifiques œuvrent constamment à mettre au point des connaissances rationnelles pour éclairer et orienter leurs sociétés qui, en retour, offrent aux sciences dans leur infinie diversité des objets de réflexion : « Notre connaissance scientifique la plus établie et la plus rationnelle porte la marque du social, tant que les hommes sont inséparables de leur insertion dans leur société, et le social est l’un des objets d’enquête de la connaissance scientifique […] » (Paty, 2007, p. 114). Toute chose qui montre clairement que la science et la société sont mues par des enchevêtrements consubstantiels et une logique de rapports insécables qui, du point de vue du lecteur moins averti, est parfois abordée comme un espace de séparation et de troubles, une zone de conflit entre deux éléments : « l’entre-deux reste souvent synonyme d’indécision, d’inconfort, assorti de connotations négatives » (Thouroude, 2022, p. 21).
Ce laboratoire pluridisciplinaire à rayonnement scientifique international traite diverses thématiques regroupées en sections. La première offre un panorama diversifié d’articles académiques explorant des facettes variées des études linguistiques, littéraires et socioculturelles. Chaque article se plonge dans un domaine spécifique, révélant des perspectives inattendues et novatrices. Du questionnement des indéfinis en français à l’analyse des éléments surnaturels dans les œuvres africaines contemporaines, en passant par l’exploration des nouvelles réalités rurales au Mexique et la créativité de la traduction audiovisuelle, ces recherches éclairent des faits complexes et souvent méconnus. De même, la confrontation des visions philosophiques du XVIIe siècle sur l’état de nature et l’investigation du sadisme dans la littérature contemporaine révèlent la richesse des réflexions abordées. Cette diversité d’approches témoigne de la richesse et de la complexité des domaines explorés dans le cadre des études académiques.
Les réflexions portant sur les sciences humaines offrent chacune un regard précis sur des problématiques variées, englobant des domaines socio-environnementaux et culturels diversifiés. Les analyses se focalisent sur des réalités spécifiques, mettant en lumière des phénomènes cruciaux. Du bouleversement environnemental du parc de Manda au Tchad à l’essor de l’agriculture urbaine à Korhogo en Côte d’Ivoire, en passant par l’évolution des compétences des collectivités territoriales et l’impact des politiques environnementales internationales, chaque étude révèle des dynamiques sociétales complexes. De même, la problématique de l’accès des femmes aux terres agricoles et celle de l’adaptation des pasteurs transhumants à de nouvelles activités agricoles soulignent l’importance des aspects économiques et sociaux. Enfin, la plongée dans les croyances religieuses du peuple Kôdè en Côte d’Ivoire apporte un éclairage unique sur le tissu culturel et spirituel de cette société. L’ensemble de ces travaux met en exergue la diversité et la richesse des enjeux qui traversent l’Afrique contemporaine, de ses espaces ruraux à ses dynamiques économiques et socioculturelles, offrant ainsi des perspectives précieuses pour la compréhension et l’action dans ces domaines.
Dans le domaine des sciences de l’éducation, les textes nourrissent un intérêt conjoint pour les questions de pédagogie, de didactique, de sociologie de l’éducation. Les auteurs mettent en évidence divers défis et opportunités, en se concentrant particulièrement sur les évaluations et les performances académiques. Le premier texte révèle les pressions et le stress auxquels sont confrontés les étudiants au Burkina Faso en raison des évaluations, soulignant la nécessité d’améliorer les méthodes d’enseignement et d’évaluation pour réduire ce fardeau et améliorer la qualité de l’enseignement. Si le deuxième établit un lien crucial entre l’attitude d’écoute des enseignants, les performances scolaires et met en exergue l’importance de l’engagement actif des enseignants dans le processus éducatif, le troisième, quant à lui, explore les facteurs socioéconomiques influençant la réussite scolaire à Madagascar. L’auteur s’emploie alors à relever l’impact de l’environnement familial sur le parcours académique des apprenants. Enfin, la quatrième contribution aborde l’inclusion à travers une rencontre sportive entre élèves en situation de handicap et élèves typiques, révélant les avantages de telles initiatives pour la perception, le respect et la compréhension mutuelle entre les étudiants.
Dans l’ensemble, les productions de cette section convergent vers un message : l’importance de divers facteurs –évaluation, attitude des enseignants, contexte socioéconomique, et inclusion– dans l’amélioration des performances des apprenants. Elles offrent des recommandations concrètes visant à optimiser ces aspects, propulsant ainsi la création d’un environnement éducatif plus efficace et plus inclusif. Ces recherches constituent une contribution significative à la réflexion sur l’éducation, invitant à des pratiques pédagogiques réfléchies et centrées sur l’élève pour le bénéfice de la communauté éducative dans son ensemble.
La dernière section consacrée aux Sciences juridiques et politiques se penche sur l’influence des perceptions et des choix politiques sur divers aspects de la société contemporaine. D’une part, elle met en exergue l’attrait marqué des jeunes envers la Fonction publique, résultant des représentations sociales associées au statut d’agent public. Cependant, cette fascination peut avoir des conséquences néfastes sur l’emploi, la formation professionnelle et le bon fonctionnement du service public. D’autre part, la deuxième production souligne l’influence des perceptions géopolitiques sur la politique étrangère, faisant ressortir les actions du groupe paramilitaire russe Wagner dans plusieurs pays africains. L’auteur révèle comment ces perceptions peuvent influencer les choix des gouvernements africains en matière de sécurité, tout en suscitant des réactions et des critiques de la part des puissances européennes traditionnelles. Il est alors question ici de mettre en avant l’importance des représentations sociales et géopolitiques dans la prise de décision et l’action. Ils mettent en avant la nécessité d’une analyse critique des influences et des motivations qui sous-tendent nos choix et perceptions, afin d’orienter les politiques et les actions vers des voies constructives, basées sur une compréhension approfondie et nuancée des enjeux sociaux et internationaux.
In fine, cette première parution met en tension une variété de sujets allant de la linguistique à l’analyse littéraire, de séries télévisées, de nouvelles ruralités mexicaines, de traductologie, de philosophie, de société, de crise sanitaire, de séquelles de guerre, etc. Chacune de réflexions se déploie dans un contexte propre, s’appuie sur des méthodes d’analyse particulières et sur des enjeux discriminatoires. Cependant, dans cette diversité et complexité, ces différents domaines mettent en lumière la richesse et l’interconnexion des facettes de la vie humaine et de la culture. Ils soulignent la nécessité de prendre en compte une pluralité de perspectives et d’approches dans l’étude de phénomènes variés de la société. Ils reflètent aussi l’importance d’une approche dynamique dans la compréhension des sujets abordés et l’examen approfondi du contexte comme variable essentielle pour saisir les nuances et les subtilités qui peuvent souvent échapper à une lecture superficielle.
Dans une approche interdisciplinaire, les thématiques étudiées, bien que distinctes, se chevauchent et se complètent. Les contributeurs invitent à transcender les frontières académiques et scientifiques, à explorer des liens inattendus entre des domaines variés et à adopter des approches transdisciplinaires pour une compréhension plus profonde et holistique d’un monde toujours plus complexifié.
Bonne lecture à tous !
Références bibliographiques
Jollivet, M. (2007). Les rapports entre sciences et société en question au CNRS : un (faux?) départ . Natures Sciences Sociétés. Éditions EDP Sciences, 4(15), 417-423. https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2007-4-page-417.htm.
Paty, M. (2007). Prolégomènes à l’étude des rapports entre science et société. Raison présente, 161, 113-124. https://doi.org/10.3406/raipr.2007.4026
Thouroude, L. (2022). Prévenir les handicaps et les violences. La posture de l’entre-deux en éducation. Champ social. https://www.cairn.info/prevenir-les-handicaps-et-les-violences–9791034607396.htm.
Les coordinateurs
Université de Franche-Comté, ISTA UR 4011
Université Jean-Monnet Saint-Étienne, UR ECLLA, France
iD ORCID : https://orcid.org/0000-0002-9408-123X
Université de Yaoundé 1, Cameroun
Université Joseph Kizerbo, Burkina Faso
Samira BERDJI BESSEGHIR MUSTAPHA
Université de Relizane, Algérie
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